Le Roman d’un Acteur

Anne-Marie a mis en scène Philippe Pillavoine dans les deux premiers épisodes du « Roman », spectacle produit par la compagnie « Le Bateau Ivre » Théâtre.

Date de création du premier épisode Les Enfants du Soleil : 24 janvier 1998 ; deuxième épisode Ariane ou l’Âge d’Or : 10 mars 2000.

Il faut bien dire que nous aimons vivre dangereusement. D’aucun font du saut à l’élastique ou du rafting dans le Colorado, et bien nous pas du tout. Nous préférons monter des spectacles. Ça n’est pas forcément moins cher, ni moins épuisant, mais ça a le mérite d’en faire profiter un maximum de gens.

Nous voilà donc dans un nouveau projet jusqu’au cou ! « Le Roman d’un Acteur » de Philippe Caubère. Pas moins de 11 spectacles de 3 heures chacun, joués, bien entendu, par notre fêlé de service : Philippe Pillavoine.

Un tuyau : si vous avez un défi théâtral quelconque, pourvu qu’il y ait un maximum de risques, un monceau de travail, un casse tête technique, vous nous prévenez, on est preneur.

Quand Philippe a proposé de reprendre le Roman, je ne connaissais ni Philippe Caubère, ni ses spectacles, ni ses performances de comédien, rien que le Théâtre du Soleil où il a fait ses premières armes parisiennes et sa directrice Ariane Mnouchkine.

Fébrilement, Philippe m’apprend que Le Roman d’un Acteur c’est la vie de Philippe Caubère, comédien fétiche d’Ariane Mnouchkine. Qu’il a investi plus de quinze ans de travail de création et de mise au point afin de mener à bien son projet : raconter à travers son alter-égo, Ferdinand Faure, son parcours.

étant un des techniciens attitré du Bateau Ivre, Philippe m’explique tous les tenants et les aboutissants de son projet. Bien, dans ces cas là, je pense et réagi « technique » et rien d’autre... - C’est faisable.

Que la durée de chaque spectacle soit en moyenne de trois heures, que le projet nous amène jusqu’en 2002 date de la création du dernier des 11 épisodes, que Philippe va devoir apprendre plus de 1 870 pages de texte, que nous allons travailler, (seulement pour les répétitions), un peu plus de 1 700 heures, tout cela ne m’effleure même pas l’esprit...

Mamannnn... mais je suis folle ! Et en plus je ne sais pas ce qu’il raconte ce type ! Si ça se trouve c’est imbuvable ! Avec Philippe on ne sait jamais, parfois ses goûts s’opposent diamétralement aux miens.

Je me renseigne auprès d’amis. Tiens Caubère a l’air d’être pratiquement inconnu des 30-35 ans, alors que c’est la « coqueluche » des 20-25 ans. Ha bon !?!?

Bon je me décide à lire le premier épisode (soyons prudente !). Bien oui c’est bien, pas le genre qui fait mon livre de chevet mais ça me plaît, quoi. Ouf !

Et puis nous commençons les répétitions, et me voilà à me prendre au jeu de ce jeune acteur (il a 21 ans à l’époque), à me reconnaître même, dans certains de ses états d’âme, certaines de ses réactions.

Mais en fait c’est génial ! Si, si et je pèse mes mots, c’est ça, c’est bien la vie dans toute sa béatitude, dans toute son horreur !

Ferdinand est acteur mais il aurait pu être plombier ou Président de la République, ça n’aurait pas changé d’une virgule. Tiens j’ose même dire que Ferdinand ça pourrait être moi.

Comment peut-on arriver à se déshabiller l’âme à ce point, avoir le courage de se la regarder, toute nue dans la psyché. Parce que s’il n’est pas tendre avec les autres personnages de son roman, il n’est pas tendre avec lui non plus, Monsieur Caubère.

Bon si je ne me retenais pas je vous raconterai tout, comme la fois où Max, téléphone à Bernadette pendant les exercices de voix et... mais chut !! Ils verront bien eux-même !

Comme c’est bon de vivre dangereusement !

24 février 1997. Anne-Marie Laussat.
Article paru dans le journal trimestriel « Bateau Ivre » n°006 du lundi 10 mars 1997.
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